Arrivée de Dame Tartine

Allez, allez, plus que quelques objets dont elle ne pouvait pas se séparer, la malle dans la charrette, un tour de clé et pas un regard en arrière.
Elle tenait à la main une cage en bois avec à l'intérieur un magnifique perroquet, cadeau d'un ami voyageur au long cours.

- Simurg! en avant pour de nouvelles aventures!!!

L'oiseau répéta:

-aventurrrre...

Elle acquiesça et monta dans la charrette. Il lui fallut une bonne journée pour atteindre son but. Elle avait eu le temps de lire et relire la petite annonce:

Citation :

-Cherche Dame à tout faire, principalement l'accueil et la cuisine...

Elle avait écrit à l'adresse indiquée, et le retour avait été positif. Et voilà que le domaine qui abritait les plus grands ateliers de coutures, entre autres, du royaume, apparaissait sous ses yeux. La bâtisse lui plut immédiatement.

Elle stoppa la charrette devant l'escalier massif, laissa tout en plan, ne prenant que son précieux oiseau. Elle récupérerait ses affaires plus tard.
Elle monta lentement les escaliers, c'est qu'elle avait déjà un certain âge et ses articulations la faisaient un peu souffrir:

- Signe de pluie, ça...bougonna-t-elle.

- Pluiiiiie, croâ...lui répondit en écho le perroquet

- Tu me fatigues, Simurg à faire l'écho comme cela...

Arrivée devant la porte, elle frappa plusieurs fois le heurtoir et attendit.

Marmiton avait besoin d'aide.L'été approchant le moine bougon s'enfermait de plus en plus dans sa cuisine solitaire. Les beaux jours n'altérant son humeur non pas vers plus de sourires mais l'inverse. Aussi quand une femme répondit a son annonce, Alienor l'invita a se présenter. Elle espérait que Marmiton et cette nouvelle venue pourraient s'entendre et travailler de concert.

Et justement quelques jours plus tard Marmiton dans son potager, Alienor entendit toquer a la porte de l'atelier et vint ouvrir.

La première impression lui fit lever les sourcils bien haut. Un animal a plume dans une main le dos un peu courbé semble t'il et un air un brin revêche une femme était sur le pas de la porte.

Euh...

Diantre pourquoi venait celle femme? était ce la femme de l'annonce?

Bonjour,

Puis je vous aider?

Marmiton entra dans la taverne en grognant, il avait les pattes pleines de terre parce qu'il était allé faire quelques plantations dans le potager.

Avisant la salle, il remarqua que Dame Aliénor causait avec une dame bien chargée, non pas dans le sens émêchée mais dans le sens croulant sous les malles, elle était également porteuse d'un cage où trônait un oiseau qui n'était pas inconnu au moine, il en avait déjà vu de pareils sur l'épaule de certains marins.

Le moine replet s'avança et interpella Dame Aliénor sans se présenter à l'autre personne, il avait une nouvelle à lui annoncer:

Ah dame Aliénor, j'chuis ben aise d'vous voir, j'dois vous dire que..euuhh...ben j'chuis amené à être moins présent en ch'lieu, j'ai pas trouvé mieux que d'poser ma candidature comme recteur à l'univerchité d'Artois et comme j'étais l'cheul ben j'ai été élu...Le moine fit la moue en pensant que ce n'était pas sa meilleure initiatie, fini la vie d'oisiveté...Quel idiot il avait été...Il soupira bruyamment...puis il reporta son attention sur la cliente et enchérit:

Et elle ch'est une cliente? vu le nombres d'malles, cha vous promet du travail dame Aliénor, elle a dévalisé les marchands d'étoffe ou quoi?

Et bien voila les deux personnes qui allaient devoir "vivre ensemble" se retrouvaient justement dans le hall de l'atelier bien plus tôt qu'elle ne l'avait prévu. A peine remise de la présentation quelques peu farfelue Alienor appris que des jeunes Artésiens allaient devoir subir les foudres du cuisinier curé. A grande peine elle se retint de rire et fit les présentations.

Marmiton je suis très heureuse pour vous. Comme j'ai remarqué que vous étiez très occupé j'ai justement passer une annonce.

Prenant par l'épaule la nouvelle venue elle fit les présentations

Alors Marmiton, voici Dame Tartine et son..

oups quel était son nom a cet oiseau?

et son.. animal de compagnie. Elle fera l'accueil tout comme vous les jours ou vous serez un peu trop à l'université. Je ne doute pas que vous allez vous entendre à merveille tous les deux.

Puis avec un clin d'oeil

N'est ce pas?

La rousse s'étant octroyait une pause bien méritée selon elle, était sorti de l'atelier, arc et flèches en main, pour s'entraîner et ne pas perdre la main, ce qui aurait été catastrophique avouons-le. Cela aurait été comme perdre un bras, ou bien un pied, tout aussi handicapant en somme.

Elle avait donc batifoler à travers champs, en profitant pour se rouler dans l'herbe des environs avant de s'enfoncer dans la forêt adjacente. Loin d'avoir peur, des loups, brigands et compagnie, elle avait avancé, cherchant des yeux et des oreilles surtout biches, cerfs et chevreaux. Mais faute d'avoir croisé âme qui vive, bien que ce ne soit plus pour très longtemps, Elaura avait rebroussé chemin.

Un vol de canard l'a mit en alerte et bien campée sur ses deux pieds à l'orée de la forêt, elle banda son arc au maximum, ajusta son tir et lâcha souplement le projectile de bois, qui porté par la puissance du tir, toucha une cible au cou, qui tomba raide morte sur le sol non loin. Fière d'elle, elle ajusta rapidement un autre tir et toucha une autre bête. Bah ouais, on est doué ou pas hein !

C'est donc en gambadant joyeusement qu'elle récupéra ses proies ainsi que ses flèches qui regagnèrent presque immédiatement son carquois.
Et avec la satisfaction du travail bien fait, l'écossaise regagna l'atelier à pas rapide.

Elle poussa la porte avec la délicatesse de son peuple, comprenait donc avec un bon gros coup de pied, en beuglant à l'attention de Marmiton.

"Marmitooooooon, j'ai deux lach.. Ahem canards pour ce sooooooir ! On va s'farcir la pense !!"

Repoussant rapidement ses cheveux hirsutes, elle put enfin avoir un oeil sur la situation dans la taverne. Deux femmes, un homme, Alienor, Marmiton et.... Une inconnue à qui elle adressa un regard tinté de méfiance et de politesse.

" Madainn mhath !*"

(*Bonjour en gaélique écossais)

Bon, ça n'allait pas être facile, mais elle aimait ça, des défis...le sieur Marmoton, était revêche. Qu'à cela ne tienne, elle le dompterait, l'apprivoiserait, bref...il mangerait dans sa main, foi de Tartinette. Elle reprit sa main qu'il n'avait pas daigné serré, quant à espérer un baise-main...Elle gloussa tant c'était drôle. Cependant, une dame arriva avec un certain fracas. Tartine sursauta, le perroquet battit vivement des ailes et leur tourna le dos, signe de mécontentement.
Elle tenait à bout de bras deux canards, plus morts que vifs, et elle s'adressa d'abord à l'homme revêche.

Puis, elle se tourna vers elle et laissa tomber quelques mots qui laissèrent perplexe Tartine. Elle allait lui répondre une banalité lorsque Marmiton parla. Tartine sourit, il y avait une petite pointe d'agacement dans sa voix, voire de contrariété.

Citation :

Dame Elaura, ch'est l'moment d'voir chi la nouvelle cuisinière chait y faire, filez-lui la volaille parch'que moi, là, j'chuis un peu occupé, puis faut qu'j'aille à l'atelier, aujourd'hui ch'est moi l'client!

Elle leva la main pour prendre la parole:

- Scusez moi Marmotin...mais j'suis pas la nouvelle cuisinière, j'suis hôtesse d'accueil, c'est ce qu'il y avait sur l'annonce...Dame Elaura, enchantée de vous rencontrationner, je suis dame Tartine, mais vous pouvez m'appeler Tartinette, ou Tartiflette...bien que le deuxième ne soit pas mon préféré..enfin...comme vous voule, hein?

Puis se tournant vers Alienor, elle lui chuchota:

- Sont tous comme ça dans vot'atelier....on doit bien s'amuser....

Enfin, regardant les deux canards aux yeux plus très vifs, elle sourit:

- Pour vous faire plaisir, j'vais vous faire une de mes spécialités, du ragout de canard...je tiens la recette d'une amie...enfin, non, d'une connaissance, parce que j'l'aime pas..'fin bref...donc, elle, elle fait ça avec des rats, chacun son truc, avec des canards ce sera fameux, foi de Tartinette!!

Mimi? vous me les plumerez? vous s'rez bien aimable...Ahhh...je suis bien heureuse d'âtre là, je sens qu'on va tous bien s'entendre.

Elle leur adressa un clin d'oeil, et s'adressa à Simurg:

- Hein Stupide perroquet?

Pour unique réponse, il se contenta, sans se retourner, de lancer:

- CROOOOOOOOTTTTTTTTEEEEEEEE!!

Elle fit comme si de rien n'était, et leur dit:

- Hum...le voyage...il n'a pas trop supporté...mais je vous assure que cet oiseau est de nature très avenante..attendez de l'entendre chanter....

Elle se garda bien de dire que ses chansons n'étaient pas toujours très aristotéliciennes...chaque chose en son temps.

Hormis pour les deux canards dont le ramage joyeux ou le coin-coin de stupeur n'était plus qu'un vague souvenir pour dame Elaura, Marmiton n'eut plus un regard pour les personnes qui l'entouraient.

Tout en grognonnant il se préparait à sortir de la taverne quand dans son dos, il entendit que le quignon s'adressait à lui..Le moine se retourna à la vitesse de l'escargot mais il eut le temps de voir la mégère lever la main , sans doute faisait-elle mine de demander la permission pour prendre la parole...Ainsi, sans l'accord de personne, elle ne manqua de préciser qu'elle était venue pour assumer la charge d'hôtesse d'accueil et non de cuisinière selon ce qui était inscrit dans l'annonce d'aliénor...

D'un côté le moine fut rassuré qu'Aliénor n'avait pas demandé à ce que la future hôtesse ait des talents de cuisinière et pendant que la tranche de pain papotait avec les deux autres, le moine reporta son attention sur les volailles qu'il se voyait bien accomoder à la sauce marmiton...

Mais c'était sans compter sur sa mie qui en remit une couche pour faire son intéressante, voilà qu'elle allait s'improviser cuisinière alors qu'elle n'était engagée que pour accueillir la clientèle...Un ragout de canard à partir d'une recette ratée et non satisfaite de sa prestation, elle fit tout pour attendrir le moine grognon...Mimi qu'elle l'appela pour lui demander de plumer les canards...tandis que le perroquet s'exprimait trivialement, marmiton riposta:

Ah ben ouais, j'vais l'plumer de chuite, vos désirs chont des ordres Dame! Et Marmiton s'approcha du perroquet...Le cuistot fut rattrapé in extremis par Aliénor qui l'embrassa sur la joue pour déjouer son plan machiavélique et pendant qu'elle donnait ses instructions aux autres, le moine éructa:

Y perd rien pour attendre ch'lui-là! Puis le moine sortit en maugréant contre son infortune!